Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

Bambou & Mobylette (Histoire pour les enfants)

Bambou & Mobylette

 

 

Ses petits coussins roses posés sur le ventre soyeux de sa maman, il dormait. Il était fatigué. Très. Il récupérait de son après-midi où il avait été fort occupé : il avait sauté sur les meubles, s’était balancé aux rideaux en voulant imiter Tarzan, joué avec le filet d’eau qui s’échappait du robinet, renversé un vase. Il n’en faisait qu’à sa tête.

 

Lorsque sa maîtresse, Maïa, le grondait, il la regardait avec ses grands yeux verts et courait se réfugier vers sa maman. Il était aussi très câlin. Souvent il venait se coller contre les jambes de Maïa, tournoyant de l’une à l’autre comme un danseur avec délicatesse. Alors, il ronronnait. Il ronronnait si fort que Maïa avait cru qu’il avait un moteur dans le ventre. Le vétérinaire l’avait rassurée.

 

- Ce petit chat se porte à merveille. Il a juste beaucoup de coffre !

 

Alors Maïa l’avait appelé Mobylette. Lorsqu’elle l’avait trouvé, lui et sa maman, c’était une toute petite boule de poils, à peine plus gros qu’un pompon de laine. Mobylette était magnifique. Son pelage était gris perle, de la queue jusqu’à son museau. Enfin, presque. Quand on le regardait, on avait l’impression qu’il portait sur ses yeux verts le masque de Zorro. Le bas de sa tête et de son corps étaient blancs. Le bout de son nez était rose et juste au-dessous, il avait une toute petite tache noire, comme s'il avait été enfouir sa truffe dans un tas de charbon. Ses pattes étaient tachetées comme celles d’un léopard, bicolores, grises et blanches. Comme tous les chatons, il passait le plus clair de ses journées à faire des bêtises.

 

En le regardant s’agiter ainsi constamment, Maïa pensait qu’elle s’était trompée. Elle avait du adopter un ouistiti. Mobylette était si agile, si vif. Lorsqu’il voulait sauter, il se tenait immobile quelques secondes, observant attentivement la cible à atteindre. Puis, trémoussant sa queue, il prenait son élan et zou, sur la table de la cuisine. Et pan, une tape sur les fesses car c’était interdit. Alors il reprenait son élan et zou, sur la commode où était posée une plante verte qui lui faisait envie. Et pan, une autre tape sur les fesses car c’était interdit.  Alors il allait se blottir contre sa maman. Celle-ci lui rappelait les bonnes manières qu’elle lui avait apprises.

 

- Mobylette, te souviens-tu de ce que je t’ai dit ?

 

Mobylette faisait la sourde oreille, préférant lécher tendrement le pelage de sa maman.

 

- N’essaie pas de m’amadouer, mon garçon. Ton aire de jeu, c’est dehors, dans le jardin. Pas dans la maison. Maïa va finir par se fâcher si tu continues ainsi et se dire que je t’ai mal élevé. Dorénavant, pour jouer, où dois-tu aller ?

 

Mobylette regarda sa maman, tout penaud, les oreilles basses.

 

- Dans le jardin.

- Très bien.

- Mais ce n’est pas drôle dans le jardin.

- Pourquoi mon chat ?

- Je suis tout seul.

- Et cette petite chatte que j’ai vue l’autre jour qui se  faisait bronzer sur le mur du voisin ?

- Elle ? Elle ne me parle pas.

- Et pourquoi donc ?

- A chaque fois que je passe devant elle, elle fait comme si elle ne me voyait pas. Comme par hasard, c’est toujours à ce moment qu’elle se fait les griffes, qu’elle fait sa toilette, qu’elle se passe la patte derrière l’oreille. Bref. Je ne l’intéresse pas.

- Les filles c’est toujours comme ça. Elles font celles qui ne voient pas les garçons. En réalité, c’est pour mieux attirer leur attention. Car, vois-tu Mobylette, elles n’attendent qu’une chose, qu’on leur fasse la cour, qu’on les séduise.

- Mais je ne sais pas comment on fait, moi.

- C’est simple : tu leur dis qu’elles sont belles, qu’elles ont de jolis yeux, une robe qui leur va à merveille…

- Même si c’est pas vrai ?

- Réfléchis Mobylette, si tu fais la cour à une fille, c’est qu’elle te plait déjà un peu, n’est-ce pas ?

 

Mobylette faisait aller sa queue de droite à gauche, de gauche à droite. C’était sa façon à lui de réfléchir.

 

- D’accord. Je vais aller lui parler.

- Parfait mon garçon. Dernière chose : ne te froisse pas si elle ne te répond pas de suite. Les filles aiment se faire désirer. Sois persévérant !

 

Mobylette semblait dubitatif mais pourquoi pas, il était prêt à essayer.  Ce matin là, il faisait grand soleil. A peine Maïa avait-elle ouvert les volets que Mobylette se faufila entre ses jambes pour sortir dans le jardin. La petite chatte était là perchée sur la branche du poirier. Elle suivait du regard un papillon qui voletait autour d’elle. Son pelage était tout noir. Elle avait des yeux jaunes pailletés d’or.

 

- Salut, je m’appelle Mobylette. Et toi ?

 

La jeune chatte continuait à regarder le papillon voler. Mobylette soupira.

 

- Bon. Ça ne va pas être facile, se dit-il in petto. Je vais essayer autrement.

- Et toi là-haut, tu n’as pas le vertige sur ta branche ?

- Pour qui me prends-tu, lui répondit-elle.

 

Mobylette n’en crut pas ses oreilles. Elle lui avait répondu.

 

- Alors tu t’appelles Mobylette. Curieux nom pour un chat, lui dit-elle en rigolant.

 

Vexé Mobylette, lui répondit :

 

- Aucun autre chat ne s’appelle ainsi. Je suis le seul !

- Un pareil nom, normal ! Qui aurait l’idée d’appeler un chat Mobylette !

- Dis donc, tu te prends pour qui sur ta branche, espèce de mijaurée !

- Mijau quoi ?

- Mijaurée. Tu ne même sais pas ce que cela veut dire.

 

La jeune chatte regarda en l’air comme si elle cherchait la réponse dans les nuages.

 

- Mais si je sais.

- Ah oui ? Dis-moi, j’attends.

- Mijaurée, c’est quand….Oh regarde le papillon violet et bleu qui vient de passer. Il est beau, n’est-ce pas ?

- Tu vois, tu ne sais pas.

 

La jolie chatte noire se retourna vers Mobylette.

 

- C’est vrai. Je ne sais pas, lui répondit-elle d’une voix fluette.

 

Mobylette était tout fier. Il allait donc lui apprendre un nouveau mot. Mais avant cela, il voulait savoir quelque chose.

 

- Si je t’explique ce que veut dire « mijaurée », tu me diras ton nom ?

- Bambou, lui répondit-elle, avec ses yeux de velours.

- Bambou, répéta Mobylette. C’est un joli nom.

- Merci. Qu’est-ce donc qu’une mijaurée alors ?

- Une mijaurée, c’est…

 

Mobylette réfléchit quelques instants, faisant aller sa queue de droite à gauche.

 

- C’est une chochotte, une chichiteuse, comme ces filles qui font toujours des manières.

- Mais je ne suis pas une chochotte ! s’exclama Bambou. Où as-tu appris ce mot ?

- Dans les livres. Maïa, ma maîtresse, lit beaucoup. J’aime être près d’elle quand elle lit. Il y a le bruit des pages qu’elle tourne, le parfum du papier… Hum, que c’est bon. Et puis  il y a l’histoire. C’est comme cela que j’ai appris à lire.

- Tu sais lire ?

- Bien sûr, répondit Mobylette en bombant le torse.  J’apprends des tas de choses. Je viens de terminer « les contes du chat perché ». Chouette livre !

- Ah, murmura Bambou. Tu en as de la chance. Moi, je ne sais pas lire.

 

Bambou semblait vraiment chagrinée de ne pas savoir lire. Mobylette était triste de la voir ainsi.  Il eut une idée. Se redressant d’un coup, il lui dit :

 

- Tu voudrais que je t’apprenne à lire ?

- Tu serais d’accord ? lui demanda Bambou.

- Bien sûr ! lui répondit-il tout heureux de pouvoir aider Bambou. Tope là, lui dit-il en tendant le coussin rose de sa patte contre celui de Bambou. Soudain, Bambou se recula, comme apeurée.

 

- Tu entends ? On dirait un moteur, lui dit-elle.

- Un moteur ? Je n’entends rien, lui répondit Mobylette.

- Mais si. Ecoute bien.

 

Mobylette tendit l’oreille.

 

- Ce n’est pas un moteur Bambou.

- Qu’est-ce alors ? lui demanda-t-elle ?

- C’est moi.

- Toi ?

- J’ai un secret à te confier. Tu ne le diras à personne, promis ?

- Je le jure ! répondit Bambou en tendant sa patte droit devant elle.

- Lorsque je suis heureux, je ronronne très fort. Mais vraiment très fort. Voilà.

- Comme un moteur de…mobylette ! s’exclama Bambou. A bientôt mon petit moteur, lui dit-elle en s’éloignant tout en lui lançant un clin d’œil gracieux.

- A b….bien..tôt, bégaya Mobylette.

- Faut pas rougir comme une tomate, Mob. C'est pt'ète que je te fais de l'effet...

 

Puis, minaudant, perchée sur son muret, Bambou ajouta :

 

- "Tomate : légume très timide. Rougit en prenant des formes".

- Pfftt !

 

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20/06/2020
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