Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne, il y a...


Rouge passion

 

 

Doucement, la ville s'enveloppe dans la nuit.
Le bruit s'en va trouver le repos.
Par-delà les toits, le ciel incandescent s'enflamme,

Illuminant d'un rouge passion un baiser sur ses lèvres déposées.

 

 

 

 


Marianne B.


06/12/2023
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Jojo

Il y a quelques temps déjà (c'était en 2020), je publiais "Ça m'énerve grave !", un ouvrage de textes courts et de billets d'humeur.

 

Pour conforter la note légère de ce livre, je publiais à la fin, en guise de dessert, une nouvelle inédite "Jojo".

A chaque fois que je relis "Jojo", je ne peux m'empêcher de sourire. Cela n'engage que moi Sourire

 

Bonne (re) lecture.

 

 

* * *

 

 

« Aujourd’hui, pour vos tables de fêtes, étonnez vos convives avec des saveurs exceptionnelles : volailles de Bresse, cous farcis de canard, foie gras d’oie du Périgord.  Notre rayon traiteur vous attend. Ne tardez-pas ! ». « Petit Papa Noël, quand tu descendras du ciel, avec tes jouets par milliers, n’oublie pas mon petit…. »

 

– Cette chanson me sort par les trous de nez. Je ne la supporte plus. Et cette voix de brêle…

– Tino Rossi ma chérie. Faudra t’y faire. On est en décembre. La dinde, les marrons, la bûche, le foie gras ça rime avec Tino. De toute façon, t’as pas le choix. Chaque année, ils nous resservent le même menu. Regarde-moi…T’as comme  un teint d’endive. T’aurais pas encore fait des folies de ton corps cette nuit ? 

– Arrête ton délire Josyane. Mon jules, ça fait un bail qu’il ne me fait plus grand mal. Lui, tu le mets à l’horizontale, tu comptes jusqu’à 5 et zou, il pionce. T’as raison. J’ai une sale mine. Bonjour la nuit que j’ai passée.

 

Coralie, petite jeune femme à la silhouette gracile, passe machinalement les articles déposés sur le tapis de sa caisse au rayon infrarouge. Ses mèches de cheveux blonds relevées en pétard et maintenues par des papillons en strass illuminent un visage juvénile. Un chemisier blanc plumetis transparent laisse entrevoir deux petits seins maintenus dans la dentelle d’un soutien-gorge rose poudré. Devant elle, un couple que rien ne semble pouvoir séparer, y compris en vidant un chariot. Coralie les fusille d’un regard envieux.

 

– C’est Jojo.

– Quoi… Jojo ?

 

La cinquantaine bien tassée dans un corps à la relâche, Josyane, maquillée comme un camion volé, les oreilles ornées de pendants aussi discrets que ceux de la  « Vache qui rit », est aux commandes de sa caisse enregistreuse. Autour de son cou, une longue chaine dorée au bout de laquelle pend un Christ en croix bienheureux entre deux bombardiers qui tentent de s’échapper de bonnets trop étroits. Boudinée dans un pull en V aux couleurs criardes,  elle ressemble à une perruche juchée sur son perchoir.

 

Une femme cintrée dans un tailleur d’un marron douteux, gantée de cuir noir, s'approche de la caisse de Josyane. Délicatement, elle y dépose le contenu de son chariot.  Le geste est étudié, l’empreinte olfactive opiacée et entêtante. Se pinçant le nez, Josyane regarde Coralie en levant le petit doigt pour simuler la préciosité de sa cliente. Coralie sourit tièdement, la mine fatiguée.

 

– Jojo, je t’en ai déjà parlé, lui répond Coralie. C’est le canari d’Adrien. C’était ça ou une console Nintendo. Comme je n’avais pas envie que mon gamin devienne complètement abruti avec ces jeux vidéo, le choix a été vite fait.

– Pourquoi t’as pas pris un cabot comme tout le monde.

– J’ai déjà deux assistés à la maison, Adrien et mon jules. C’est pas pour en prendre un troisième. Et puis un chien, ça fait des saletés partout.

– Parce que un mioche et un jules, ça n’en fait pas ? Un cabot, crois-moi, pour en avoir eu un, ça écoute bien mieux qu’un bonhomme et des mômes et c’est autrement plus propre !

– De toute façon c’est trop tard. Je lui ai acheté cette satanée bestiole la semaine dernière. Depuis, je vis un enfer.

– Pourquoi ?

– Parce que Jojo est un noctambule. Chaque nuit, il siffle à tout-va et ne s’arrête qu’au petit matin. Je craque, ma Josyane, je craque !

– Je comprends, ma Coco. Le vendeur t’a pas prévenu qu’un canari ça s’égosille ?

– La nuit ?

– Kiki, ma sœur en a eu un. C’était tout pareil que ton Jojo. Tant qu’ils ne sont pas dans le noir complet, ces oiseaux de malheur peuvent te siffler tout le répertoire de Johnny !  Kiki a trouvé la solution en mettant le soir un tissu bien épais sur sa cage. Essaie. C’est le seul moyen de t’en sortir.

– Comment imaginer qu’un piaf pareil siffle autant !

– Tu t’attendais à quoi ? A un oiseau qui siffle uniquement quand ça t’arrange ?

– A ce point, ma Jojo, c’est un malade, ce piaf.

– Ne te plains pas, ma belle-sœur Zouzou a des perruches, c’est l’enfer. Essaie le truc du tissu sur la cage et s’il continue, passe-le à casserole. T’auras plus à te casser la nénette pour ton menu de Noël !

 

« Encore quelques minutes pour profiter de notre promotion sur les cuisses de pigeon confites …. ».

 

– Non, je plaisante. 62,80 euros s’il vous plait.

– Pardon, Mesdames, n’allez pas croire que je suis éhontément curieuse mais j’ai écouté, à l’insu de mon plein gré, votre échange fort instructif.

 

La bourgeoise s’approche de Josyane qui, incommodée par le parfum entêtant, fait glisser son siège à roulettes en arrière.

 

– Dieu qu’elle fouette, chuchote-t-elle à Coralie.

– Un conseil, n’achetez jamais d’inséparables, c’est pire.

– Des quoi ? demanda Coralie.

– Des inséparables. Ce sont de petits perroquets originaires d'Afrique tropicale.

– Jamais entendu parler de cette marque,  s’exclama Josyane.

– C’est une espèce d’oiseau très particulière. On les appelle ainsi car ils vivent généralement en couples et sont extrêmement liés. Selon certaines croyances si l'un des oiseaux meurt, l'autre se laisse mourir.

– Oh, c’est beau. Tu ne trouves pas, Jojo ?

– Ça risque pas de m’arriver avec mon bonhomme.

– Plus beau encore, le nom regroupant ces espèces est « Agapornis ». Un dérivé des termes grecs Agape et Ornis qui signifient respectivement amour et oiseau. C’est-à-dire, Oiseau amoureux ! N’est-ce pas chou ?

– Comme vous dites, c’est « chou  ! », répondit Josyane levant un sourcil moqueur.

– J’avais donc fait l’acquisition d’un couple d’inséparables. La symbolique autour de ces oiseaux me parlait. Vous me comprenez sûrement.

– Pas trop non, répondit Josyane.

– Bref, dit la cliente en repositionnant quelques mèches de cheveux qui tentaient de se faire la belle d’un chignon laqué façon canard, le mâle a commencé à donner des signes de faiblesse. Puis il a fini par mourir.

– Pauvre bête. C’est horrible ! conclut Coralie toute frissonnante d’émotion.

– Ensuite, la femelle s’est mise à déprimer. Plus d’appétit. Je l’ai emmenée chez le vétérinaire. Et là, stupeur ! Le vétérinaire m’a annoncé que c’était un mâle ! Ce couple était en réalité, comment dire….

– Gay ? s’exclama Josyane hilare.

– Disons qu’ils auraient sûrement manifesté pour le mariage pour tous, si vous voyez ce que je veux dire, répondit la cliente dans un rire étouffé par un mouchoir en dentelle. 

– Des oiseaux homo ? demanda Coralie toute perturbée.

– Le choc. Pensez. Mais je me suis ressaisi. J’ai pris sur moi et lui ai acheté un compagnon.

– Vous avez racheté un mâle ?

– Oui. Qui s’est avéré être une femelle.

– Comment vous en êtes-vous aperçue ? demanda Josyane.

– Le lendemain matin, il n’y avait plus aucun signe de vie dans la cage. Les oiseaux s’étaient plumés. M’est avis que la femelle avait dû vouloir le séduire.

– Et qu’elle s’est pris un râteau et folle de rage, elle l’a croqué tout cru comme la mante religieuse qui bouffe son bonhomme après l’accouplement. Tout n'est souvent qu'une histoire de « petit oiseau » dans la vie, répondit Josyane, contente de sa blague vaseuse.

– Ça a dû être violent ? demanda Coralie toute émue.

– C’est un euphémisme. Il y avait des plumes partout. Ce n’était pas beau à voir.

– Quelle horreur ?

– Croyez-moi,  les inséparables, je ne veux plus en entendre parler. D’autant que l’histoire ne s’est pas arrêtée là. Victoire, ma fille…

– Victoire ? Comme la chienne à ma tante Juju.  C’est rigolo de donner le nom d’un chien à une enfant ! fit remarquer Josyane.

– Oui, effectivement, répondit la cliente d’un raclement de gorge contenu. Donc, suite à ces disparitions traumatisantes, ma petite Victoire ne s’en n’est pas remise. Depuis, elle refuse de manger. Elle fait des cauchemars et ne veut plus aller à l’école.

– A l’école ? Pourquoi ?

– Parce que sa maîtresse lui a dit qu’elle et sa meilleure amie étaient inséparables.

– Tu vois, Coralie, finalement avec ton Jojo, tu t’en sors pas si mal.

 

 


03/07/2023
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La cuisse de dinde

Il a 87 printemps. Un esprit de conteur que je lui envie. Une vivacité d’esprit fabuleuse. Une envie de vivre qu’il s’emploie à continuer de nourrir, vaille que vaille, malgré la disparition il y a un an de son alter ego. Ma tante l’appelait Philou. Mon oncle l’avait rencontrée quelques jours avant la fin de son service militaire qui, à cette époque, durait deux ans. Il avait 22 ans.

 

Depuis qu’une part de lui s’en est allée, je me suis rapprochée de lui ; lui de moi. D’échanges téléphoniques toujours très affectueux, liés à sa santé, son moral, nous avons glissé vers un registre plus intimiste.

 

Mon oncle Philou commença à me parler de son enfance dans ce petit village du Calvados, entre la chaleur d’un four à pain d’un père boulanger, de sa mère qui tenait la boutique et d'une fratrie de trois garçons dont il était le cadet.

 

A 20 ans, il part faire son service militaire. Philou rêve d’intégrer la Marine nationale. Par un heureux concours de circonstances, ce fut chose faite.

 

En octobre 1956, la nationalisation du Canal de Suez par Nasser, alors Président égyptien, met le feu aux poudres. Les armées françaises et britanniques convergent vers ce canal reliant la mer Méditerranée et la Mer Rouge. Le chasseur de sous-marins, sur lequel se trouve  mon oncle, met le cap vers la zone de conflit.

 

Deux mois plus tard, sous la pression des Etats-Unis, de l’URSS et de l’ONU, les troupes franco-britanniques se retirent.

 

Ce 25 décembre 1956, Philou est à bord du chasseur de sous-marins. Le navire mouille dans le Détroit de Messine qui sépare la péninsule italienne de l'île de Sicile.

 

Mon oncle a toujours eu un goût certain pour la bonne chère.

 

- Comment était la nourriture à bord ?

- Comment te dire…c’était spartiate comme le confort.

 

Le repas de Noël de cette année 1956 est à l’aune. Sur un plateau en inox, des pommes de terre et une cuisse de dinde. Philou monte sur le pont supérieur avec son plateau. Le cuisinier ne s’est pas foulé le poignet. La cuisse de dinde est insipide.  Mon oncle décide de l’offrir aux poissons. Il soulève son plateau. A cet instant, une bourrasque de vent emporte tout sur son passage : le plateau et son contenu.

 

Philou conclut son récit par un truculent :

- C’est ainsi que ma cuisse de dinde et mon plateau gisent toujours au fond du Détroit de Messine.

- J’aurais été toi, j’aurais demandé à ce que soit inscrit, à l’endroit du naufrage, « ci-gît ma cuisse de dinde ».


18/10/2022
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J'en veux pas !

Son ventre est gros. Vraiment gros.

Il me fait penser au ballon que Papa a gonflé pour mon anniversaire.

Le ballon était tellement gonflé qu’il a éclaté. Paff ! J’ai eu très peur. Papa aussi. Il a rigolé mais pour de vrai, il n’en menait pas large.

 

En regardant Maman, je me demande si son ventre ne va pas éclater lui aussi comme le ballon.

Quand son ventre a commencé à grossir, je me suis dit que, peut-être, elle se levait la nuit pour manger du chocolat en cachette. Mais en fait, non.

 

Maman m’a tout expliqué. Enfin je crois. Au moment de Noël - un peu avant, un peu après, Maman ne se rappelait plus trop bien - Papa lui aurait fait un bisou. Mais un très gros bisou et dans quelques temps, j’aurai un petit frère ou une petite sœur. Tout ça à cause d’un gros bisou ? Mince alors ! Ça fiche les chocottes quand même. Quand je pense à Pablo qui n’arrête pas de me faire des bisous à la récréation. Alors, moi aussi je vais avoir le ventre qui gonfle ? Et j’aurai un bébé comme Maman ?

 

Et puis, Maman, elle marche vraiment bizarre.  Elle me fait penser à Saturnin, le canard. A chaque fois que je regarde les Aventures de Saturnin à la télévision, bingo, je pense à Maman. J’ai peur qu’elle se transforme en canard à force de marcher comme ça, mais je lui dis pas.

 

L’autre jour, en rentrant de l’école, Maman m’a dit qu’elle irait bientôt accoucher à la clinique. Ça veut dire que je vais avoir soit un petit frère, soit une petite soeur. Sauf que je ne veux ni de l’un ni de l’autre. Moi, depuis 5 ans et demi, je suis toute seule et j’ai surtout pas envie de partager les sucettes, les gâteaux et les câlins.

 

Ça fait deux soirs que je dors chez Mamie Jeanne. Dans sa chambre, pas dans son lit. Mamie Jeanne dit que je gigote de trop. Même pas vrai. C’est juste que j’aime bien me coller contre elle. Elle sent bon Mamie Jeanne. Bon, je ne suis pas dans son lit mais tout près.

 

On a descendu du grenier un vieux lit Ramy. En fait, c’est comme quand je pars en vacances avec Maman et Papa faire du camping et que je dors sous la tente sur un lit de camp. Sauf que je suis pas en vacances, que Maman et Papa ne sont pas là. Bon, le lit Ramy de Mamie Jeanne, il sent un peu le fer. J’ai un joli sac de couchage posé sur un truc qui ressemble à un petit matelas. Y même des motifs léopard dessus. J’ai dit à Mamie Jeanne que ça faisait comme si je dormais sur une peau de léopard et que ça faisait bizarre. Mamie Jeanne m’a rassurée. Il n’y a pas de léopard en Normandie.

 

Ce soir, Mamie Jeanne a accepté que je lise un peu avant de m’endormir. De toute façon, je ne m’endormirai pas tant qu’elle ne sera pas dans son lit. Ensuite, il faudra que je m’endorme vite avant elle. Sinon je ne m’endormirai pas. La nuit, j’ai peur. J’ai toujours peur. Du noir, des ombres, des bruits, des choses qui craquent. Le problème c’est que personne ne me prend au sérieux et tout le monde dit que je fais des caprices. C’est pas vrai. J’ai vraiment peur mais personne me croit. En attendant que Mamie Jeanne vienne se coucher, je lis les aventures de Arthur et Zoé dans le « Modes & Travaux » qu’elle s’achète chaque semaine. Zoé, elle est rigolote avec sa tête qui ressemble à un chapeau de champignon.

 

Il fait nuit noire dans la chambre de Mamie Jeanne. Soudain, je me réveille. Mamie Jeanne n’est plus dans son lit. Je le sais parce que quand elle dort, elle ronfle, presque pire que Papa. Elle dit que c’est pas vrai. Moi je lui dis que c’est vrai. Je me lève en triturant le coin de mon mouchoir que je renifle et que je tète fébrilement comme un chiot qui cherche à téter la mamelle de sa mère.

 

Il y a de la lumière dans le salon. Mamie Jeanne parle au téléphone. Elle a collé le gros combiné noir à son oreille. Je la regarde dans l’encadrement de la porte. Elle m’envoie un sourire. J’entends un « 4,350 kg ? ». Je comprends rien de ce qu’elle dit. Peut-être qu’elle appelle son boucher pour commander un poulet. La nuit ? Elle demande si tout s’est bien passé. Je continue à téter mon mouchoir et ne comprends toujours rien. Les grandes personnes, c’est constamment à faire des secrets, à parler en code. Mamie Jeanne raccroche.  Elle a l’air vraiment heureuse. Elle me dit que ça y est, j’ai un petit frère. Je la regarde Je lui réponds que primo, j’en veux pas et que, deuzio, il va me casser toutes mes poupées.

 

Tout ça, c’était avant, quand les enfants naissaient dans les choux et qu’ils arrivaient par l’opération du Saint-Esprit.

Tout ça, c’était avant qu’on leur explique, a minima, le mystère de la vie.

Tout ça, c’était avant que Françoise Dolto n’arrive.

 

Quant au poulet de 4,350 kg, un bon demi-siècle plus tard, je suis fière d’être sa sœur.


18/10/2022
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Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles

Il y a quelques jours, un ami m’annonçait qu’il allait prochainement partir un mois en vacances à Tahiti.

 

Je ne sus que lui répondre, mis à part un « Ah ? c’est bien », m’interrogeant, in petto, sur  la capacité à me réjouir d’une telle perspective si j’avais été concernée par ce projet.

Et pourtant, j’avoue un plaisir indicible à nager dans les mers chaudes, à fouler ce sable blanc et doux, pareil à de la poussière de nuage déposée par les alyzés.

 

Certes, le cliché « carte postale » des îles polynésiennes peut faire rêver.

La plupart d’entre nous se contente d’avoir un poster collé dans son lieu d’aisance représentant une plage de sable blanc bordée de cocotiers. Après tout, il n’y a pas de mal à se faire du bien et cela réchauffe l’atmosphère.

 

Le lendemain de cette annonce, il faisait grand soleil.

Octobre est souvent généreux, nous offrant encore quelques heures post-méridiennes très agréables.

Sur le bord de la fenêtre, mon chat était allongé, manifestant son bonheur en frottant l’échine de son dos contre la chaleur de la pierre. Ses yeux mi-clos me firent entendre qu’à ce moment précis, mon chat était heureux.

Tout simplement heureux de vivre ce qu’il était en train de vivre.

 

En regardant mon chat, je me suis dit qu’aller à Tahiti pour se détendre, était le dernier de ses soucis et que, peut-être même, qui sait, il était bien plus heureux à cet instant, que cet ami qui allait partir à Tahiti.

 

Pourquoi  ?

Primo, parce que mon chat n’avait tout simplement pas la conscience de cet endroit situé à l’autre bout du monde et qu’ignorant cela, il ne pouvait le désirer, en avoir envie.

Comment peut-on désirer quelque chose dont nous ignorons l'existence ?

En poussant la réflexion plus loin, est-on plus malheureux parce que nous en ignorons l’existence ?

 

Deuzio parce que mon chat a intégré ce que nombre d’entre nous n’avons toujours pas compris : le bonheur ne peut se vit qu’au présent. Jamais au futur. Encore moins au passé. Au passé, cela s'appelle de la nostalgie mâtinée parfois de regrets, donc de chagrin.

 

Comment est-il possible d'envisager que l’on pourrait être susceptible d'accéder au bonheur dans « x » jours en faisant ceci ou cela ?

Le bonheur ne se réserve pas à l'avance, non plus qu'il ne s'achète.

Il est une succession d’instants de grâce, de partage, de joie qui se vivent plutôt qu’ils ne se programment.

Le bonheur ce sont tous ces petits et grands plaisirs lorsqu'ils sont en phase avec nos besoins.


Je ne sais pas si la perspective de ce prochain voyage rendra cet ami plus heureux.

La promesse du bonheur est-elle proportionnelle au nombre de kilomètres qui nous sépare de notre lieu de vie ? 

A voir mon chat, je suis dubitative.

Comme le dit si justement cet écrivain dont j'apprécie la plume poétique, Christian Bobin, "Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles".

Mais chut ! N'en dites rien à personne. Sinon, tout le monde ira au fond du jardin.

 

 


12/10/2022
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