Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles

Il y a quelques jours, un ami m’annonçait qu’il allait prochainement partir un mois en vacances à Tahiti.

 

Je ne sus que lui répondre, mis à part un « Ah ? c’est bien », m’interrogeant, in petto, sur  la capacité à me réjouir d’une telle perspective si j’avais été concernée par ce projet.

Et pourtant, j’avoue un plaisir indicible à nager dans les mers chaudes, à fouler ce sable blanc et doux, pareil à de la poussière de nuage déposée par les alyzés.

 

Certes, le cliché « carte postale » des îles polynésiennes peut faire rêver.

La plupart d’entre nous se contente d’avoir un poster collé dans son lieu d’aisance représentant une plage de sable blanc bordée de cocotiers. Après tout, il n’y a pas de mal à se faire du bien et cela réchauffe l’atmosphère.

 

Le lendemain de cette annonce, il faisait grand soleil.

Octobre est souvent généreux, nous offrant encore quelques heures post-méridiennes très agréables.

Sur le bord de la fenêtre, mon chat était allongé, manifestant son bonheur en frottant l’échine de son dos contre la chaleur de la pierre. Ses yeux mi-clos me firent entendre qu’à ce moment précis, mon chat était heureux.

Tout simplement heureux de vivre ce qu’il était en train de vivre.

 

En regardant mon chat, je me suis dit qu’aller à Tahiti pour se détendre, était le dernier de ses soucis et que, peut-être même, qui sait, il était bien plus heureux à cet instant, que cet ami qui allait partir à Tahiti.

 

Pourquoi  ?

Primo, parce que mon chat n’avait tout simplement pas la conscience de cet endroit situé à l’autre bout du monde et qu’ignorant cela, il ne pouvait le désirer, en avoir envie.

Comment peut-on désirer quelque chose dont nous ignorons l'existence ?

En poussant la réflexion plus loin, est-on plus malheureux parce que nous en ignorons l’existence ?

 

Deuzio parce que mon chat a intégré ce que nombre d’entre nous n’avons toujours pas compris : le bonheur ne peut se vit qu’au présent. Jamais au futur. Encore moins au passé. Au passé, cela s'appelle de la nostalgie mâtinée parfois de regrets, donc de chagrin.

 

Comment est-il possible d'envisager que l’on pourrait être susceptible d'accéder au bonheur dans « x » jours en faisant ceci ou cela ?

Le bonheur ne se réserve pas à l'avance, non plus qu'il ne s'achète.

Il est une succession d’instants de grâce, de partage, de joie qui se vivent plutôt qu’ils ne se programment.

Le bonheur ce sont tous ces petits et grands plaisirs lorsqu'ils sont en phase avec nos besoins.


Je ne sais pas si la perspective de ce prochain voyage rendra cet ami plus heureux.

La promesse du bonheur est-elle proportionnelle au nombre de kilomètres qui nous sépare de notre lieu de vie ? 

A voir mon chat, je suis dubitative.

Comme le dit si justement cet écrivain dont j'apprécie la plume poétique, Christian Bobin, "Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles".

Mais chut ! N'en dites rien à personne. Sinon, tout le monde ira au fond du jardin.

 

 



12/10/2022
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