Agélastes, carabinades et autres pygocoles…

Combien utilise-t-on de mots en moyenne en français ? La plupart d’entre nous utilise entre 3000 et 5000 mots. Dans la vie courante, nous n’utilisons qu’environ 500 mots. Ceci dit, je ne vous parle pas des mots inventés et autres néologismes (mots introduits dans une langue par la force de l'usage, ainsi que les nouvelles significations acquises par des mots déjà existants. Ex : clic, smiley, adulescent..). Ni des mots oubliés. Tiens, justement, les mots oubliés…et si nous en ressuscitions quelques-uns ?

Qui n’a jamais croisé dans sa vie une personne trop morose pour se laisser aller à un sourire et de celles trop rabat-joie pour se laisser aller à une plaisanterie ? Pourquoi j’aime tant le français ? Pour sa richesse. Pour qualifier un tel atrabilaire, il existe un mot : « agélaste ». Comprenez un individu réfractaire à l’humour. Ce terme ne date pas d’hier. Il apparait, entre autres, dans l’œuvre de François Rabelais. Milan Kundera précise que l’écrivain du XVIe siècle utilise ce mot « pour nommer ceux qui n’ont aucun sens de l’humour et qui avaient été si atroces contre lui qu’il avait failli cesser d’écrire » Dans la mythologie grecque, l’« agélaste » est une pierre dans l’Attique sur laquelle se reposa la déesse Cérès, fatiguée de chercher sa fille. Le mot est construit sur le « -a » privatif et le grec gelos qui signifie « rire ». Sincèrement, dire « pfffttt ! Quel agélaste fais-tu ! » à un individu qui a le sourire contraint ou coincé, ça fait très chic.

Reprenons notre « agélaste ». Imaginons que vous lui sortiez une « carabinade » et qu’il vous réponde par un visage passablement crispé, difficile de lui reprocher car une « carabinade » est une plaisanterie de mauvais goût. Son origine est incertaine. Le terme apparaît au XVIe siècle pour désigner un soldat de « cavalerie légère » dont la spécialité était de…tirer à la carabine. Ainsi naît l’expression « tirer son coup en carabin » signifiant « jeter un mot dans le débat, sans insister ». Par extension, le « carabin » a fini par désigner une personne qui agit sans esprit de suite.

Sans transition, parlons de la « glabelle ». Ce mot désigne la région légèrement proéminente, se trouvant entre les deux sourcils. La glabelle est a priori sans poils (vient du latin glabellus « sans poils ». A ne pas confondre avec la « taroupe » qui désigne cette touffe de poils qui pousse sur la glabelle. Le terme vient de l’ancien français talope, « buisson, bosquet ».

Il est un autre mot que j’affectionne particulièrement pour sa seule sonorité. Avant de vous en dire davantage, connaissez-vous la pratique du « resto-basket » ? Cette pratique consiste, entre autres, à consommer dans un café, restaurant, hôtel et à partir sans payer. Cet usage (que l’on retrouve dans le Code pénal sous le nom de filouterie) est passible d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende. Et derrière le mot « filouterie » se trouve le joli mot « grivèlerie ». Ce terme viendrait de grive. Cet oiseau a une fâcheuse réputation : son avidité à piller les vignes, d’où la locution saoule comme une grive…Une autre hypothèse sur l’origine de ce mot : « grive » désigne d’abord un « crible », qu’on retrouve dans le catalan griva. Ainsi, « griveler » serait synonyme de « cribler » qui veut dire « prendre la meilleure partie d’un négoce ou d’une ferme ».

Plus « léger »…Que signifie le terme « pygocole » ? Un indice : l’étymologie de ce mot est très proche du mot « callypige ». Un « pygocole » est une personne particulièrement attirée par les fesses. On peut aussi parler de « pygophile ». Le mot trouve sa racine dans le mot grec pugê, « fesse », et cole, « qui vénère ». L’intérêt pour cette partie du corps se manifeste déjà dans les statuettes du paléolithique qui mettaient en évidence les courbes arrondies de divinités féminines. Les déesses callipyges, notamment, c’est-à-dire « aux belles fesses ».

Et sûrement ces déesses callipyges avaient-elles une « vénusté »…. Une beauté gracieuse et élégante, digne de Vénus.