Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

Peu importe le chemin, à chacun de trouver sa réponse

Si le ciel se pommèle, alors une légère pluie s’annonce.

Si les feuilles tombent de l’arbre, alors il y a de fortes probabilités pour que nous soyons en automne.

Si le feu passe au vert avant que je ne compte jusqu’à 10, alors j’aurai une bonne note à mon dernier contrôle de maths.

Si je repère dans le ciel un nuage en forme de cœur, alors cela signifiera qu’il va bientôt m’appeler pour me dire qu’il m’aime.

 

Qui n’a jamais joué à ce petit jeu lorsqu’il était enfant ?


Quelques années plus tard, je cherchais les réponses auprès d'une grand-mère paternelle qui me tirait les cartes comme elle faisait les confitures, avec gaité et légèreté. Car, finalement, rien n’était grave.

-        As de cœur !

-        Il a la tête en bas ton as.

-        Et alors ?

-        Un jour tu m’avais dit que lorsque l’as de cœur a la tête en bas, cela veut dire que….

-        Que de l’amour ! Ce garçon, il t’aime beaucoup. Dis-moi, vous vous êtes déjà faits des bisous ?

-        Des bisous, comme au cinéma ? Euh…

-        A moi, tu peux le dire.

-        C’était comme…tes confitures !

 

Et puis on grandit. Jamais assez vite lorsque l’on est enfant. Bien trop vite, lorsque la vie commence à vous rendre responsable de biens des choses. Et c’est là que ça commence à se compliquer. Où trouver les réponses à nos questions ?

 

J’aime flâner chez les bouquinistes. Souvent, j’y entre sans attente précise. Le bonheur n’est-il pas dans l’inattendu, d’autant plus dans les rencontres qu’il offre à ces instants-là ? Il était là. Discret. Debout sur sa tranche, je ne distinguais que sa couleur : une robe fuchsia de belle facture. Je penchais la tête sur la gauche, entendant dans le même temps mes cervicales se rappeler à mon bon souvenir : « Contes des sages qui guérissent » (Marie Faucher – Editions Seuil). Qu’avais-je à guérir ? Rien. Mais ce jour-là j’avais envie d’être un peu malade.

 

Lorsque j’ouvre un livre, j’ai un rituel. Je lis la première et la dernière pages.

Sur la première page, écrit sur un lit de couleurs noir et fuchsia, je pouvais lire :

« Ce livre n’est pas pour être lu mais pour être fréquenté comme un ami proche, secret.

Vous pouvez lui demander de vous nourrir, il vous nourrira. De vous éclairer, il vous éclairera. De vous émouvoir, de jouer, il jouera avec vous le jeu le plus mystérieux du monde, celui du hasard qui n’existe pas ».

Savoureuse mise en bouche.

 

La dernière page était tout aussi prometteuse :

« Gardez ce livre auprès de vous. Ouvrez-le de temps en temps, comme on rend visite à un ami. Et si vous avez besoin d’un conseil, d’une lumière sur votre route intime, demandez-lui par simple jeu. Fermez les yeux. Ouvrez le livre. Ouvrez les yeux. Remerciez qui vous voulez ».

 

Cinq minutes plus tard, le livre dans les mains, je rentrais chez moi d’un pas alerte. De la même façon que certains n’ont pas la patience d’attendre d’être rentrés pour se ruer sur la pâtisserie qu’ils viennent d’acheter au coin de la rue,  je commençais à feuilleter le livre d’un œil gourmand, évitant au passage de rentrer dans un monsieur bedonnant qui me sourit. Comme un enfant à qui l’on offre un nouveau jouet, je ne quittais plus ce livre. Comme un enfant, de la même façon, je m’en suis lassée.

 

Récemment, alors que la vie chahutait mon existence, je découvris, dans cette absence au monde qui m’entourait, que je passais chaque jour devant ce livre sans m’en apercevoir. Posé sur la table de nuit, il n’attendait que moi, comme un fidèle ami qui, comme le dit la citation, vous connait bien et vous aime quand même.

 

Je me repris vite au jeu. Fermant les yeux, j’ouvris le livre au hasard et voici le conte qui me fut offert.

 

« Comment sortir de l’asile ».

 

De temps en temps, il faut bien que l’asile se vide. Avant de faire sortir quelques-uns de ses pensionnaires, le directeur tâte le terrain et fait passer un petit test. Ce jour-là, il reçut trois de ses hôtes.

-        Que font deux et deux ? demande-t-il au premier.

-        84 !

-        Aïe ! C’est prématuré. Il y a encore des boulons à resserrer.

Puis au second :

-        Que font deux et deux ?

-        Jeudi !

-        Décidément, c’est encore fragile…

Enfin le troisième :

-        Deux fois deux, quatre !

-        Enfin ! Voilà qui rassure ! Allez chercher vos affaires. Je vous fais de suite votre bon de sortie. Mais, dites-moi, comment avez-vous trouvé la solution ?

-        Fastoche ! 84 moins jeudi !


A chacun sa façon de trouver sa réponse, du moment que ça tombe juste. Le tout, c’est de s’en sortir.


Il était l’heure de fermer le livre, d’éteindre la lampe de chevet. Et de m’endormir, rassurée, le sourire encore fragile, mais là.

 

 

 

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24/05/2020
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