On n’est pas au pays des Bisounours !

- C’est décidé. Je vais partir vivre sur un nuage, me tatouer un énorme cœur sur le ventre et partir à Bisousville.

- Tu vas bien ?

- Parfaitement bien. Je suis lasse de ce monde qui marche sur la tête. C’est une raison suffisante pour aller vivre sur un nuage, non ?

- Au pays des Bisounours ?

- Et pourquoi non ?

- Parce que ce n’est pas la vraie vie. Avant de partir sur ton nuage, redescends sur terre !

- Pourquoi faire ? D’ailleurs la vraie vie, c’est quoi, dis-moi ? Faire semblant d’être heureux quand on ne l’est pas car, comme disait Voltaire, il est poli d’être gai ? Etre soumis au bon vouloir des autres ? Ne rien dire de crainte de les décevoir ? De ne plus être aimés par eux ? D’ailleurs, ceux-là mêmes qui nous soumettent à leur bon vouloir, comment peuvent-ils nous aimer en agissant de la sorte ? Accepter de se faire traiter ainsi, n’est-ce pas se montrer à soi que l’on a bien peu de valeur ? C’est quoi, dis-moi, la vraie vie, c’est montrer aux autres une belle vitrine mais sentir au fond de soi, le soir dans son lit, que l’on fait fausse route depuis trop longtemps et y rester malgré tout ?

- Ah oui, quand même…Tu en es là.

- L’autre jour, je suis tombée par hasard sur un épisode des Bisounours. Et là, bing ! la révélation. Je me suis dit, « voilà, c’est ça que je veux faire. Bisounours ! ». Tu sais pourquoi ? Parce qu’au pays des Bisounours, le chacun pour soi n’existe pas. Parce que les valeurs cardinales sont la détermination, l’attention à l’autre et la bienveillance. Parce que sans cela, un monde ne peut pas tourner normalement. Je serai donc Bisounours.

- Rassure-moi, tu as fumé… ? Les pouvoirs magiques, ça n’existe pas ! On n’est pas au pays des Bisounours !

- Qui a parlé de pouvoirs magiques ? Le seul pouvoir qui vaille, c’est l’amour. C’est lui et lui seul qui permet de résoudre tous les conflits.

- Ça te fait vraiment rêver de devenir une Bisounours ? Mais personne n’en a envie ! Regarde Hollande ! Après avoir été qualifié de « candidat Flanby », le mal qu’il a eu à se défaire de son image de Président Bisounours.

- Tu n’entends pas.

- Mais si justement je t’entends très bien.

- Entendre, au sens de comprendre…

- Tu ne vas pas tout laisser en plan pour aller vivre sur un nuage ? D’abord, sais-tu à quoi ça ressemble de vivre sur un nuage ? Ça doit être humide, peu stable, toujours en mouvement. Toi qui aimes la chaleur, la stabilité, le confort….Ne fais pas cela.

- Je te reconnais bien là. Courage fuyons….Tu n’arriveras pas à me transmettre tes peurs. Tes peurs ne sont pas les miennes. Si tu n’as jamais eu envie d’aller voir ailleurs si l’herbe était plus verte et que tu préfères rester dans ton champ en friche à force d’avoir ruminé cette herbe qui ne t’a même pas rendu heureux, c’est ton problème. Traverser le gué, aller de l’autre coté de la rive parce que l’on sent que c’est ici que l’on sera heureux, ce n’est pas un caprice. C’est un devoir. Dis-moi, de combien de vies disposes-tu ?

- C’est quoi cette question ?

- Moi, je n’en ai qu’une. Au plus j’avance en âge, au plus, j’ai le sentiment que le sablier du temps s’écoule rapidement. C’est décidé, je serai donc Bisounours.

- Mais comment ferai-je sans toi ? Que vais-je devenir ?

- Qui sait, un jour viendras-tu me retrouver. Tu sais, dans la vie, le pas le plus difficile à faire, c’est le premier. Une fois fait, la vie se charge toujours de t’aider pour la suite. Alors si tu me rejoins, je ferais de toi mon Toutbrave…protecteur, sans peur, optimiste, drôle, généreux... Bref, ça, c’est tout toi mon Chat !

- Grr...