Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

Lolita Chocolat

C’était un printemps. Un printemps pas comme les autres. Avril 2020. Alors que depuis plusieurs jours, nous étions astreints à un confinement sans précédent, que les principes mêmes de liberté chers à toute démocratie n’existaient plus guère que sur les frontons de quelques mairies, voici qu’un de mes « amis » sur Facebook eut la rafraichissante idée de publier une information qui apporta un vent de douceur en ces temps mouvementés.

 

Dans son jardin, caché au creux d’un arbre, il avait découvert un nid à l’intérieur duquel se trouvaient quatre œufs. Où était la maman ? Il eut cette idée géniale d’installer une petite caméra. Assez loin du nid pour ne pas ennuyer la maman. Assez près pour filmer « ma vie confinée dans un nid ». Le lendemain, il posta une première vidéo. Maman merlette couvait, tranquillement, sereinement. "Mais où est donc le père ?" s'étonnaient déjà les premiers commentaires.

 

Au fil des jours, nous étions de plus en plus nombreux à suivre la saga de la merlette. Puis les choses sérieuses arrivèrent. Ces petits, comment allait-on les appeler ? Cet « ami » eut la bonne idée de demander à ses « followers » de lui suggérer quelques prénoms.

 

- Merlu, Merluchon…

- Oh ! Ce ne sont pas des poissons !!

 

J’apportais ma contribution.

 

- Lulu Castagnette. Lolita Chocolat.

 

Enfin, nous assistâmes à ces miracles de la vie qui nous laissent sans voix (contrairement aux nouveau-nés…) et émus jusqu’aux larmes. Quatre oisillons qui n’avaient pas la moindre chapelure sur le jambonneau (dit autrement, chauves) avaient craqué leur coquille et déjà, s’égosillaient à qui mieux-mieux. Notre petite merlette était devenue maman. Une ribambelle de commentaires se succéda pour saluer l’événement. Chaque jour, notre « ami » publiait une nouvelle vidéo. Chaque jour, nous découvrions « nos » oisillons prendre de plus en plus d’assurance, de coffre vocal aussi. Si drôle de constater que, si petits déjà, certains, de toute évidence plus audacieux et téméraires, piquaient déjà la vedette (voire le casse-croûte) aux autres. Et oui, même entre frères et sœurs…

 

Quelques jours plus tard, la naissance des quatre petits fit une « presque une » du quotidien local et accessoirement un joli buzz. Quelle ne fut pas ma joie de lire que l’un des quatre oisillons avait été prénommé Lolita Chocolat. Yes ! J’envoyai alors un message à cet « ami », le remerciant pour avoir accepté l’une de mes propositions, ajoutant, bien-sûr, que je souhaitais être la marraine de Lolita Chocolat.

 

- Ok. Mais il faudra penser aux dragées.

- Pour qui ?

 

Ajoutant que les parents ("Mais où est le père ?") et les enfants n’avaient pas l’once d’une ratiche. Je suivais assidûment les péripéties de Lolita Chocolat, ses frères et sœurs. Un jour, nous aperçûmes le père.

 

- Enfin ! Pas trop tôt ! commentèrent certains.

- Les hommes, c’est comme ça. Ils arrivent toujours à la flambée des cierges, ajoutèrent d’autres.


Depuis plusieurs jours, j’avais constaté quelque chose de différent en moi. A peine levée, j’étais impatiente de retrouver les aventures de la famille Merlette & Co. Un matin, comme tous les matins, je me connectais donc et là…je vis un nid vide. Pas l’once d’une âme, d’une plume. Maman merlette et ses petits étaient partis. Définitivement partis.

 

A l’aune des dizaines de messages qui commentèrent cet envol, je ressentis une tristesse mâtinée de nostalgie. Qui aurait pu penser que ces quatre oisillons auraient apporté autant à quelques-uns d’entre nous ? Qui aurait pu penser qu’ils nous manqueraient tant.

 

A Lolita Chocolat, à ses frères et sœurs, j’offre cet extrait de la « Chanson des oiseaux » de mon cher et tendre ami, Totor (alias Monsieur Victor Hugo).

 

….Oiseaux, volez aux clochers,
Aux rochers,
Au précipice, à la cime,
Aux glaciers, aux lacs, aux prés ;
Savourez
La liberté de l'abîme!

Vie ! azur ! rayons ! frissons !
Traversons
La vaste gaîté sereine,
Pendant que sur les vivants,
Dans les vents,
L'ombre des nuages traîne !

Avril ouvre à deux battants
Le printemps ;
L'été le suit, et déploie
Sur la terre un beau tapis
Fait d'épis,
D'herbe, de fleurs, et de joie.

Buvons, mangeons ; becquetons
Les festons
De la ronce et de la vigne ;
Le banquet dans la forêt
Est tout prêt ;
Chaque branche nous fait signe…..

Les pivoines sont en feu ;
Le ciel bleu
Allume cent fleurs écloses ;
Le printemps est pour nos yeux
Tout joyeux
Une fournaise de roses.

 

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Image par Gabriele Lässer de Pixabay

 

 

                                                            

 

 



23/05/2020
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