Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

Le nonagénaire qui voulait fêter ses 102 ans

Jouer les prolongations alors que le match aurait pu se terminer depuis longtemps, avoir (encore) des désirs, nourrir (toujours) des ambitions quand on atteint déjà l'âge canonique de 95 ans et que l'on est, qui plus est en parfaite santé, c'est le souhait de Maurice.

Maurice, je l'ai rencontré un matin dans le courrier des lecteurs d'un quotidien local. Pleine de tendresse et de vie, sa lettre m'avait touchée et amusée. Derrière ses mots, j'avais senti l'envie d'être en vie et d'y rajouter, tant qu'il y était, quelques années supplémentaires.

 

Maurice racontait qu'il se sentait presque un miraculé, n'ayant jamais pensé passer le cap de l'an 2000. Ledit cap ayant été passé avec succès, il décida de viser haut : il fêterait ses 100 ans. Il annonça la nouvelle à ses proches. Il avait décidé que désormais il n'aurait plus 92, 93 ans....mais -8, -7..... Quand d'autres y auraient sûrement vu une descente accélérée vers la fin, Maurice y voyait probablement un jeu. Et puis quoi ? 100 ans ! Alors qu'il ne pensait pas aller si loin en aussi bonne santé.

Tiens la santé justement. Voilà pas qu'un jour, Maurice lit que l'abus de sucre est nocif pour la santé."Bigre ! Je mets deux morceaux de sucre dans mon café. Je bois 3 cafés par jour". Quelques temps plus tard, il apprend que trop de viande rouge nuit itou. Fichtre ! Moi qui adore planter la fourchette dans une entrecôte bien saignante et de lui jeter un sort ! ". Oui, parce que Maurice, en plus d'être en bonne santé, a toutes ses dents. Quant aux poissons dits gras et censés être bons pour la santé, ils seraient bourrés d'antibiotiques. "Plus de saumon ?". Le coup fatal lui fut porté quand il apprit qu'il ne fallait pas boire plus de deux verres de vin par jour, lui qui, en deux jours à peine, faisait la fête à une bouteille.

 

Maurice réfléchissait. Comment pourrait-il donc aller jusqu'à 100 ans dans ces conditions, lui qui ne s'était jamais privé de rien ? Se priver pour vivre plus longtemps ? Et d'ailleurs, en quoi la privation de plaisirs pouvait-elle être garante d'une vie plus longue ?

 

Pour ses -5 ans, sa petite fille qui vivait au Japon, l'invita à venir découvrir le pays du soleil levant. Pour une personne au soleil couchant de sa vie, c'était plutôt un joli clin d'oeil. Loin d'être arrêté par la longueur du voyage, Maurice fit ses valises et partit au Japon. Quelques jours après son arrivée, sa petite fille l'emmena dans la région d'Hakone, à quelque 80 km de Tokyo, au coeur du parc national de Fuji-Hakone-Izu, un lieu magnifique environné de montagnes.

 

Sa petite fille lui expliqua qu'il ne pouvait pas repartir de la région d'Hakone sans avoir goûté aux fameux "kuro tamago", ces fameux oeufs noirs de la vallée volcanique d'Ôwakudani. Pourquoi ? lui demanda Maurice. "Parce que ces oeufs cuits dans les sources chaudes ont deux particularités : ils sont riches en minéraux et en soufre des eaux qui colorent leur coquille d'un noir jais", lui répondit sa petite fille. Mais ce que retint Maurice c'est la seconde spécificité : "Sais-tu grand-père, les kuro tamago auraient la vertu de prolonger la vie de sept ans".

 

"7 ans ?". Avec malice, Maurice s'exécuta sans hésiter, trop content de se rajouter deux autres années. En rentrant en France, il annonça à ses proches qu'il avait désormais -7 ans. Son voyage au Japon l'avait rajeuni. Plus que jamais, il lui avait donné envie d'être en vie en :

- dévorant une entrecôte saignante avec des frites,

- en dépucelant une bouteille de vin en deux jours,

- en mettant deux sucres dans son café trois fois par jour....

 

Et puisqu'il lui restait encore (au moins) 7 ans, il décida d'y ajouter tout ce que son médecin lui avait interdit "par précaution".

 

spring-4013646_1920.jpg

 


 

 



23/05/2020
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 21 autres membres