Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

Des cendres pour monter vers la lumière

C’était un dimanche comme les autres. Du moins le pensais-je. Ce matin là, il faisait frais mais soleil. De ces soleils d’automne qui réchauffent encore. Un peu. J’avais décidé de m’occuper du jardin, d’essarter quelques mauvaises herbes, de retirer les fleurs fanées des rosiers et autres lavatères pour leur permettre de concentrer toute leur énergie restante à nous offrir encore quelques belles de jour. Et puis, là, dans un coin, il y avait ce Ginkgo biloba avec ses feuilles lobées aux couleurs déjà mordorées. Cet « Arbre aux quarante écus » qui attendait depuis trop longtemps d’être rempoté en pleine terre. Qu’attendais-je pour le faire ? Je l’ignore. Ce matin là, j’avais trouvé. Oui, c’était aujourd’hui que le Gingko devait être mis en pleine terre. J’étais prête…

 

Transplanter un végétal n’est jamais un acte sans risque. De quelle façon la plante va-t-elle réagir à son nouvel environnement ? La greffe va-t-elle prendre ? Sans parler du stress de la plante que l’on sort d’un environnement familier pour un autre qui lui est totalement inconnu. J’en vois d’ici qui sourient… «  Une plante stresse ? ». Oui. De la même façon que nous stressons lorsque nous sortons de notre environnement, de notre zone de confort, les végétaux réagissent de même. « Mais comment cela est-il possible ? ». Par le seul fait que la nature et nous partageons quelque chose en commun : nous faisons partie du « vivant ».

 

Je me suis approchée du Gingko, j’ai caressé ses feuilles. J’ai creusé un trou suffisamment large pour que l’Arbre aux quarante écus s’y trouve le mieux possible. Avant de recouvrir la motte de terre, je suis allée au fond du jardin dans ce petit abri où sont entreposés pêle-mêle outils, sacs de terre…. Cachée derrière des pots et jardinières, une petite urne en carton. Sur le couvercle poussiéreux, une étiquette collée sur laquelle était écrit « Kiwi ». Emue, je pris cette urne et retournais près du Gingko. Délicatement, j'ouvris le contenant. Les cendres étaient d’un joli gris clair, presque blanc, mêlées à de petites poussières scintillantes, pareilles à du mica. Autour de la motte enterrée, lentement, je saupoudrais un cercle de cendres.

 

Dans ce qui ressemblait à un acte chamanique, j’envoyais mille pensées d’amour à cette chatte que j’avais perdue quelques années plus tôt, la remerciant pour tout ce qu’elle m’avait apporté, lui demandant de veiller sur ce Ginkgo et de l'aider à monter vers la lumière. Soudain, j’ai senti le long de mes jambes la douceur d’une fourrure, le toucher un peu insistant et reconnu le ronronnement de diesel de Pep’sy. Elle qui avait disparu depuis des heures, la voilà qui réapparaissait. Juste à cet instant. Perdue dans mes pensées, je regardais le Ginkgo. Amusée, je regardais Pep’sy reniflant les feuilles du Gingko et commençant sérieusement à leur mordiller le lobe. Je souris en me disant que finalement, Kiwi et Pep'sy s'occuperaient chacune à leur façon de l'Arbre aux quarante écus.

 

 

 

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23/05/2020
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