Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

Entrer de plain-pied dans la gratitude

Parfois, face à certaines réalités flagrantes, on a beau avoir ces dernières sous les yeux, on ne veut rien voir.

 

Heureusement, me concernant, j’ai la chance d’avoir quelques bienveillantes vigies qui m’ouvrent les yeux. C’est à l’une d’elle que je dédie ce texte.

 

Tout récemment, je publiais sur cet excellent (…) blog, un court texte intitulé "Colette et le chocolat".

 

Quelques heures plus tard, ma gentille vigie m’envoie un SMS, interpellée  par « la grosse araignées » qui a attrapé dans ses pattes au passage et sans raison un « s ». Sidérée par l’énormité de la « fôte », je lui renvoyais un "Damned ! Honte à moi !".


Au moment où je lui répondais, ma gentille vigie publiait sur son blog un texte sur la gratitude que je m’empressais de découvrir.


https://www.bulledecouleurs.fr/post/la-gratitude?cid=8936f151-f60b-449f-9a03-df32243e8a5e

 

Mes yeux suivent les mots, les phrases, les pensées, les réflexions, avec intérêt. J’aime ce texte. Il me parle. Dans mon élan, je butte sur un mot composé. J’ai un doute quant à son orthographe comme il arrive parfois (souvent)… lorsqu’on ne sait plus très bien si ce mot serait plus sexy avec deux « L », ou plus élégant avec un « M ».


En l’occurrence, ledit mot qui me chiffonne se trouve dans la phrase suivante :

"entrer de plein pied dans une autre réalité". Ce "plein" ne serait-il pas plus seyant avec un "a" à la place du « e » ? Sachant que ce « plain » vient, si j’en crois mes lointains souvenirs  de latiniste…, de "planus" qui signifie "plan, sans relief". De là vient aussi le mot "plaine". Je vérifie l’acuité de mes souvenirs. Effectivement, ce "plain-pied" s’écrit avec un "a". A mon tour, je signalais l’erreur à ma gentille vigie avec conscience que mon "s" collé à "la grosse araignée" était mille fois plus impardonnable que ce "plein/plain".

 

Justement, puisque nous sommes en plein dedans…. Offrons-nous une visite guidée et entrons de plain-pied dans l'histoire de cette expression.

 

L'expression "de plain-pied" n’a, à l’origine, qu’un rapport très étroit avec le corps humain. Lorsque l’expression est utilisée en tant qu’expression adverbiale, elle signifie entrer dans un lieu sans qu’on n’ait besoin de monter ni de descendre.

 

"Arrivé au bout du passage, il atteignit l’escalier, descendit les premières marches, et bientôt se trouva de plain-pied avec le cimetière de l’abbaye…"

Alexandre Dumas, Othon l'archer

 

Plus familièrement et au sens figuré, elle signifie accomplir une action facilement, sans que cela souffre de difficulté (ex : "cela va de plain-pied", comprendre : c’est tout naturel). On pourra aussi utiliser l’expression pour dire que l’on rentre « de plain-pied » dans un sujet, c’est-à-dire directement et immédiatement, autrement dit on met les pieds dans le plat.

 

Lorsque l’expression est placée dans une phrase en tant que locution adjectivale, elle désigne un espace qui se trouve sur le même niveau, au même étage. On peut aussi l'utiliser au sens figuré pour signifier "au même niveau" de quelqu'un ou de quelque chose :

Devoir la vie à un malfaiteur, accepter cette dette et la rembourser, être, en dépit de soi-même, de plain-pied avec un repris de justice, et lui payer un service avec un autre service ; se laisser dire : Va-t'en, et lui dire à son tour : Sois libre; sacrifier à des motifs personnels le devoir…

Victor Hugo, Les Misérables

 

Plus concrètement dans le domaine de l’immobilier, elle qualifie les pièces d’un appartement ou d’une maison qui se trouvent au même étage et/ou au même niveau.

 

Evolution historique de l’usage de l’expression "de plain-pied"

Origine de l’expression "de plain-pied"

 

Le terme « plain » est rarement utilisé seul dans une phrase. On le retrouve ainsi dans l’expression « de plain-pied ».

 

Le mot vient du latin planus, un adjectif qui qualifie ce qui est plat, sans relief ni inégalités. C’est de ce même terme que vient le mot « plaine ». La locution se forme dès le début du XVIIe siècle où on la trouve sous la forme suivante : "à plain-pied" afin de désigner un espace qui se trouve au niveau du sol, c’est-à-dire auquel on peut accéder sans que le pied n’ait à gravir ou descendre des marches.

 

Pour aller plus loin :

On trouve la locution dans deux autres expressions populaires. « Être de plain-pied avec quelqu’un » signifie bien s’entendre, être en bons termes. Il est aussi utilisé dans le terme « plain-chant », qui désigne un genre musical sacré. Il tire son origine du latin Cantus Planus, qui caractérise un chant sans ruptures, accidents ou altérations. Par ailleurs, le terme français "plain" a donné naissance à l’adjectif plain en anglais : quelque chose de commun, de simple, d’ordinaire voire de banal.

 

 

Exemples d’usage de l’expression "de plain-pied"

 

"Choses vivantes ô choses excellentes" "Enfance, mon amour, ce double anneau de l'œil et l'aisance d'aimer". Immédiatement à côté de la perception, cette sorte de disposition, de mouvement naturel à aimer l'aisance. "Ah tant d'aisance dans nos voies". Elle est une manière d'être de plain-pied avec les objets et les êtres, de n'être jamais emprunté devant les sensations ou les sentiments »

Pierre Guerre, Saint-John Perse et l’homme

 

« C'était une terrasse à deux étages, qui par une sorte de courtine se trouvait de plain-pied avec le premier étage des ailes du logis »

Jean Prévost, Philibert Delorme

 

"Ma maison s'ouvre, longue et plate, de plain-pied sur une cour intérieure, genre patio, mais hélas ! un patio sans fleurs, sans jet d'eau et surtout sans romantisme !"

Yvonne Blondel, Norbert Dodille - Journal de guerre 1916-1917: front sud de la Roumanie

 

"Se sentir un homme, se dire que le soir même, libre pour la première fois, on entrera enfin de plain-pied dans la vie, objet de toutes les convoitises, et subir sous les yeux de celle qu'on aime une si solennelle humiliation !"

Eugène Fromentin, Pierre Blanchon - Lettres de jeunesse

 

« Mais il arrive que Jackie entre de plain-pied dans le monde. Un pas, un autre pas. Un geste, un mot, un mouvement imperceptible »

Leslie Kaplan, Le Silence du diable

 

En guise de conclusion :

Grâce à ma gentille vigie, à mon impardonnable faute et à ce "plain-pied", je peux écrire, non sans fierté, que je suis vraiment de plain-pied avec ma gentille vigie à qui je dis « merci » (gratitude….). Et la boucle est pleinement bouclée Bisou

 

 

 



13/04/2023
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