Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

C’était mieux avant

- Tu ne trouves pas que c’était mieux avant ?

 - Avant quoi ?

 

Avant, quand je reniflais et tétais le mouchoir que ma mère me laissait à la crèche avant de partir travailler. Il sentait son parfum. Il sentait « elle ».

 

Avant, lorsque mon arrière-grand-mère, petit bout femme au chignon crotte blanchi par les années, sortait de son four à bois des chaussons aux pommes dont le parfum embaumait la cuisine et nous faisait, à mon frère et à moi, de jolies moustaches de compote autour des lèvres.

 

C’était mieux avant, quand j’allais en vacances chez ma grand-mère et que je lui demandais "Dis, mamie, je peux dormir avec toi ce soir ? " et qu’elle me répondait " juste pour une nuit. Tu bouges trop ! ". Et ce que " juste pour une nuit " se reproduisait chaque soir.

 

Avant, quand j’allais en vacances chez mon autre grand-mère à la campagne et qu’elle me faisait manger à m'en donner la nausée car " Il faut manger ! Tu as une mine de navet ! ".

 

Avant, lorsqu’elle me faisait un tirage de cartes pour savoir si Victor était amoureux de moi à l’école et qu’elle m’annonçait que ledit Victor allait me manger dans la main car je venais de tirer un as de cœur à côté d’une dame de cœur.

 

C’était mieux avant, lorsque l’été venu, mes parents nous réveillaient en pleine nuit pour partir en vacances, caravane attelée à la R16 blanche sur la Nationale 7.

 

C’était mieux avant, lorsqu’à la nuit tombée, dans ce petite village de montagne des Alpes du sud, nous attendions avec impatience que mon père nous racontât l’histoire de Marmottin et Marmottine, un couple de marmottes tout droit sorti de son imagination.

 

C’était mieux avant, quand nous regardions la voûte céleste et que mon père nous montrait la grande et la petite ourses, l’étoile du berger, le chariot…

 

C’était mieux avant, quand, à la lumière d’une lampe à gaz vacillante, nous jouions tous les quatre au jeu des "1000 Bornes ", que mon père trichait outrageusement et que je piquais des colères noires. Avant, quand nous mangions dans de la vaisselle en plastique avec l’autorisation exceptionnelle d’y mettre les doigts, de lécher et de s’essuyer la bouche avec les mains comme de petits sauvages.

 

C’était mieux avant quand nous reprenions le chemin de l’école, le cartable flambant neuf, l’odeur du crayon de bois tout frais taillé, le ventre noué.

 

Avant, lorsque à l’heure du goûter, notre mère nous préparait des tartes aux pommes, des tartines beurrées avec des carrés de chocolat Poulain.

 

Avant lorsque…

 

"Notre existence s’écoule en quelques jours. Elle passe comme le vent du désert. Aussi, tant qu’il te restera un souffle de vie, il y a deux jours dont il ne faudra jamais t’inquiéter : le jour qui n’est pas venu et celui qui est passé. Alors, tu vivras en paix " (Avicenne, philosophe iranien – 980- 1037)…. Et de nous souvenir de tout ces " c'était mieux avant " pour nourrir nos " aujourd'hui ".

 

 

 

 

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23/05/2020
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