Sous la plume de Jeanne

Auvers-sur-Oise, dimanche 25 mai,

Mon cher Théo,

Ma chère Jo,

Ici on est loin assez de Paris pour que ce soit la vraie campagne mais combien néanmoins changé depuis Daubigny. Mais non pas changé d’une façon déplaisante, il y a beaucoup de villas et habitations diverses modernes et bourgeoises, très souriantes, ensoleillées et fleuries. Cela, dans une campagne presque grasse, juste à ce moment-ci du développement d’une société nouvelle dans la vieille, n’a rien de désagréable ; il y a beaucoup de bien-être dans l’air. Un calme à la Puvis de Chavannes, j’y vois, ou y crois voir, pas d’usines mais de la belle verdure en abondance et en bon ordre.

Veux-tu me dire à l’occasion quel est le tableau qu’a acheté Mademoiselle Bock ? Je dois écrire à son frère pour les remercier et puis je propose l’échange de deux de mes études contre une de chacun d’eux (…).

J’ai un dessin d’une vieille vigne dont je me propose de faire une toile de 30 puis une étude de marronniers roses et une de marronniers blancs. Mais si les circonstances me le permettent, j’espère faire un peu de figure. Vaguement des tableaux se présentent à ma vision, qu’il prendra du temps pour mettre au clair mais ça viendra peu à peu (…).

Je te remercie d’avance de la toile et du papier. Hier et aujourd’hui, il pleut et il fait de l’orage. Mais ce n’est pas désagréable de revoir ces effets-là (…).

Vincent

(Van Gogh)

NB : "Jo" est l'épouse de Théo Van Gogh