Le chocolat catalan
Il était grand jour quand je me réveillai. Auprès de mon lit étaient, d’un côté, M. de Peyrehorade, en robe de chambre ; de l’autre, un domestique envoyé par sa femme, une tasse de chocolat à la main.
- Allons, debout, Parisien ! Voilà bien mes paresseux de la capitale ! disait mon hôte pendant que je m’habillais à la hâte. Il est huit heures, et encore au lit ! Je suis levé, moi, depuis six heures. Voilà trois fois que je monte ; je me suis approché de votre porte sur la pointe du pied : personne, nul signe de vie. Cela vous fera mal de trop dormir à votre âge. Et ma Vénus que vous n’avez pas encore vue ! Allons, prenez-moi vite cette tasse de chocolat de Barcelone… Vraie contrebande… Du chocolat comme on n’en a pas à Paris. Prenez des forces, car lorsque vous serez devant ma Vénus, on ne pourra plus vous en arracher.
En cinq minutes je fus prêt, c’est-à-dire à moitié rasé, mal boutonné, et brûlé par le chocolat que j’avalai bouillant. Je descendis dans le jardin, et me trouvai devant une admirable statue.
Prosper Mérimée
La Vénus d’Ille, 1837
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