Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

C'est une cigale jet-setteuse qui se radine chez une fourmi trimeuse...

Langue qui claque au palais, langue sur laquelle se trouve parfois un « ceveu », langue qui se débride, langue qui invective, langues qui s’aiment, langue qui se bouscule, langue qui évolue, qui se parle, qui se crie, qui se chuchote…Langue qui VIT.

 

Sans elle, sans les mots qui l’habillent, la déshabillent, que serait ma vie ? Triste, silencieuse, insipide, inodore, incolore…Et dire que je n'aurais que ma petite vie de terrienne pour découvrir sa richesse et sa générosité (!) Récemment, j’ai réalisé  l’ampleur de mon inculture en apprenant ce que le terme « bolosse » signifiait (…) « Oh, le gros nul ! Il a loupé son exam’ ! C’est trop un bolosse ». Ce terme sorti du langage des banlieues, il y a quelques années déjà, est – vous l’aurez compris –  une insulte et signifiant quelque chose du genre « nul », « ringard ». Selon les linguistes, il proviendrait du mot en verlan pour « lobotomiser » ou d'un mélange de « bourgeois » et « lopette ».


Il en est qui s’est exercé avec un talent patenté à causer façon bolosse. Avec son allure de dandy et de vieux monsieur propre sur lui, qui l’aurait cru ? Quoique… Derrière sa célèbre moustache et son œil qui frise, se cachait un joyeux drille, un pince-sans-rire avec l’élégance et la classe qui allaient avec. Et voici comment notre regretté Jean Rochefort s’amusait à revisiter nos classiques.

 

Extraits (attention les puristes, ça décoiffe !) :

 

Le Petit Prince – Antoine de Saint-Exupery

« C’est un beau gosse aviateur qui se crashe dans le désert torride du Sahara. Il essaye de faire son MacGyver avec trois allumettes et un rouleau de PQ pour réparer sa carlingue, mais ça ne  marche pas du tout ! Alors il tape la pose comme un boloss, et le lendemain, un p’tit keum lui dit tout de go : 'Dessine-moi un mouton, gros ! ». 

 

La Cigale et la Fourmi - Jean de La Fontaine –

« C'est une cigale jet-setteuse qui se radine chez une fourmi trimeuse ».

 

Le Lièvre et la Tortue – Jean de La Fontaine –

« Y a une tortue Ninja qui veut prendre le lièvre au 400 m haies ».

 

Le Corbeau et le Renard, façon Babybel… - Jean de La Fontaine -

« C'est un piaf bien pépère qui 'chille' sur un arbre 'chéper' et s'envoie un petit Babybel des familles ».

 

 

Des classiques revisités, il en a été question justement autour de cette fable du Corbeau et du Renard sur lesquels quelques-uns se sont particulièrement lâchés.


Pour mémoire, voici le texte original :

 

Maître Corbeau, sur un arbre perché,

Tenait en son bec un fromage.

Maître Renard, par l'odeur alléché,

Lui tint à peu près ce langage :

« Hé ! bonjour, Monsieur du Corbeau.

Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau !

Sans mentir, si votre ramage

Se rapporte à votre plumage

Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois ».

A ces mots le Corbeau ne se sent pas de joie ;

Et pour montrer sa belle voix,

Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie.

Le Renard s'en saisit, et dit :

"Mon bon Monsieur,

Apprenez que tout flatteur

Vit aux dépens de celui qui l'écoute :Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute".

Le Corbeau, honteux et confus,

Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.



Voici la version en verlan par Fabrice Luchini

 

Le Beaucor et le Narre

Tremaî Beaucor, sur un breha chéper,

Naitteu en son quebé un magefro.

Tremaî Narreu, par l’odeur alléché

Lui tint à peu près ce gagelan :

« Et jourbon, Sieumon du Beaucor

Que vous êtes lijo ! que vous me blessen beau !

Sans tirmen, si votre magera

Se rapporteà votre mageplu,

Vous êtes le Nixphé des tehôde ces wab

A ces mots le Beaucor ne se sent pas de joie :

Et pour trémon sa leubé voix,

Il vreuouun gelar quebé, laisse béton sa proie.

Le Narreu s'en zissai, et dit :

« Mon bon Sieurmon,

Apprenez que tout teurfla

Vit aux pendé de luiceu qui le coute.

Cette çonleu vaut bien un magefro sans doute.

Le Beaucor teuhon et fucon

Raju, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.


On n’aime ou pas. Il n’empêche, je salue la capacité de mémoire de F.L.

 


Enfin voici la version verte et argotique, façon « Les tontons flingueurs » par Pierre Perret.

Où vous apprendrez pour quelle raison les chanteurs d’opéra ne chantent pas la bouche pleine…(c'est un peu comme lorsque vous mangez de la semoule, il faut éviter de rire).

 

Maître Corbeau sur un chêne mastard

Tenait un from'ton dans le clapoir.

Maître Renard reniflant qu'au balcon

Quelque sombre zonard débouchait les flacons

Lui dit : « Salut Corbac,

c'est vous que je cherchais.

A côté du costard que vous portez, mon cher

La robe du soir du Paon est une serpillière

De plus, quand vous chantez, il paraîtrait sans charre

Que les merles du coin en ont tous des cauchemars ».

A ces mots le Corbeau plus fier que sa crémière,

Ouvrit grand comme un four son piège à ver de terre

Et entonnant « Rigoletto » il laissa choir son calendo.

Le Renard le lui pique et dit: « Apprends mon gars

Que si tu ne veux point tomber dans la panade

N'esgourde point celui qui te passe la pommade ... »

 

Moralité:

On doit reconnaître en tout cas

Que grâce à Monsieur de La Fontaine

Très peu de chanteurs d'opéra

Chantent aujourd'hui la bouche pleine

 

 

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Image par Françoise Besson de Pixabay



06/02/2021
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