Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

Du coup, ça m’énerve grave !

"Euh…", "Pas de souci", "c’est ça", "du genre", "grave !".

Stop, n’en jetez plus ! Pas un jour sans entendre ces expressions qui commencent sérieusement à m’irriter le poil. Je vous fais grâce des "en mode cool", "c’est clair", "carrément ! ". Ces tics de langage sont appelés par les professionnels de la comm’ ( !) des mots "béquilles" ou des mots "tuteurs".

 

A part le fait de m’encharibotter (*) à quoi servent-ils ? Ne m’en déplaise, à bien des choses.

Ils permettent parfois la respiration du locuteur, le temps pour lui de trouver la réponse la plus pertinente possible.
Exemple, imaginons que nous demandions à des hommes politiques :

- Avez-vous fraudé ?

- Euh….les yeux dans les yeux, je jure de ne pas avoir fraudé.

 

Autre réponse possible :

- Je vous le dis les yeux dans les yeux, jamais les juges ne pourront démontrer que l’emploi de mon épouse était fictif.
Pour reprendre l'une des répliques cultes des "Tontons flingueurs", "C'est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases" (...), c'est curieux, chez les politiques, ce besoin de nous raconter des carabistouilles et de nous prendre pour des bleus.


Les tics de langage peuvent également être des marqueurs d’appartenance à un groupe sociologique ou générationnel référant. Il est certain qu’un "mais j’hallucine !" ne fera sûrement pas partie du même groupe générationnel qu’un "nonobstant".


Et bien entendu, ces tics de langage permettent de se conformer à des modes langagières. Celle du moment offre une telle surabondance de mots "béquilles" qu’elle fait souvent oublier que d’autres mots "normaux" puissent exister.

 

Vous voulez du creux, du vide ? Allez, on lâche les fauves ! "Point barre ! ", "tu vois ce que je veux dire ? ", "c’est que du bonheur ! ", "j’ai envie de dire… ", "genre…".

Mais le pompon en matière de tic langagier, c'est sans nul doute ce fameux "du coup" qui a envahi la logosphère, allant même jusqu’à contaminer des personnes qui, de par leur métier, sont censées "causer correct". J’entends par là, les écrivains, les journalistes, y compris les animateurs de programmes littéraires… "Du coup" quoi ? Avez-vous reçu un coup ? Non. Donc, on oublie. On remplace avantageusement par "de ce fait", "de fait", "donc".


Tout cela pour vous dire qu’au final (tic ! Alors je dis quoi ? "Finalement", "pour finir", "en définitive"…), au "jour d’aujourd’hui" (tic ET pléonasme ! "Hui" ancien mot français signifiant "le jour où l’on est", tenons-nous en à "aujourd’hui"), les mots "béquilles" sont partout.

Allez, tout n'est pas si "grave !". Et de conclure ce petit billet d'humeur "grr" par un florilège :

 

- C’est clair ! J’ai envie de dire, ça pose question.

- J’avoue ! ça va pas le faire !

- Carrément !

- En mode désabusée...

- J’imagine.

- Grave !

- Voilà quoi.

 

(*) s'encharibotter : se mettre en colère (grave !)

 

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23/05/2020
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