Sous la plume de Jeanne

Sous la plume de Jeanne

Bienvenue en Absurdie

Il m’arrive souvent de parler à mon chat. Ce qui me rassure, c’est que je suis loin d’être la seule. Pour le moins que cela puisse être rassurant. Si Big Brother avait écho de ce qui se roucoule derrière le feutré de ma porte lorsque je taille la bavette avec mon félin, pour sûr, la mise sous tutelle me guetterait. Pas qu’un peu. Quant à mon chat, il deviendrait célèbre, aurait sa page Facebook, pour être l’unique félin à être doué de langage humain. L’unique ? Voyons, voyons…Souviens-toi du chat du Cheshire dans Alice au pays des merveilles avec ses grands yeux qui te faisaient peur et ses conversations philosophiques. Prosopopée que tout cela. Proso… ? Je vous explique. Lorsque l’on fait parler un animal, un objet, une abstraction, nous utilisons, une figure de style appelée "prosopopée".

 

En ces temps compliqués (merci le virus chinois ! Comme dit mon ami Donald T Clin d'œil) nos habitudes ont été bouleversées. Nos cerveaux, après avoir chauffé sévère, se sont mis en mode contraint d’adaptation. Plus ou moins, selon les natures de chacun. Me concernant, les répercussions ont eu un effet assez perturbant sur ce qui me sert justement de cerveau.

Je vous raconte. Ce matin-là, je me levais l’œil hagard, passablement endormie. Alors que j’entrais dans la cuisine, j’entendis derrière  moi, une voix me dire :

 

- Salut Jeanne, bien dormi ? Il est l’heure de t’en payer une bonne tranche !

 

Je me retournais. Personne.

 

- Dis-donc, le grille-pain, on t’a sonné ?

- Oh, le pain complet ! Ce n’est pas parce que Monsieur n’a pas subi de raffinage qu’il faut la ramener.


J’entendais des voix. Mince alors ! Le confinement ne me réussissait pas. Entre mon réfrigérateur avec lequel j’étais en froid, ma bouilloire qui bouillait d’impatience de ne plus pouvoir sortir comme elle le voulait, mon aspirateur qui ne m’inspirait plus confiance, le lave-linge qui commençait à tourner mal, les torchons et les serviettes qui en avaient assez d’être mélangées, tout cela virait sérieusement en eau de boudin.

 

D’ailleurs j’en parlais à mon four encore hier. Il était du même avis. Il me racontait qu’il s’était justement disputé avec le camembert qui se la coulait douce. Plus tard dans la journée, c’était au tour des œufs qui avaient manifesté leur irritation à en avoir assez d’être dans le même panier ; et lorsqu’il me prit de leur dire que le monde marchait sur la tête à force de chercher constamment le poil dans l’œuf, alors là, ce fut une insurrection ovoïde. J’essayais de leur expliquer que tout cela n’était pas si grave et que nous pourrions peut-être passer l’éponge. Bigre, que n’avais-je encore dit ! L’éponge à vaisselle le prit mal. Très mal.

 

- Enfin, calmez-vous ! Ce n’est pas la fin des haricots !

 

 Et là, ce fut la révolution au rayon primeur du réfrigérateur.

 

- On savait depuis longtemps que tu voulais te débarrasser de nous. Pfftt !

 

Quoi que je dise pour tenter de calmer les esprits, cela ne faisait que s’empirer.

Enervée, je décidais d’en découdre. Ce climat insurrectionnel ne pouvait plus durer. Lasse du politiquement correct, je décidais de mettre les pieds dans le plat, quitte à froisser les susceptibilités ("Dis donc, t’as pas ailleurs pour poser ton 39 fillette ?" me répondit le plat à gratin).

 

- Cela suffit. Mettons chacun un peu d’eau dans notre vin et tout ira bien.

- Et puis quoi encore ? déclara le Chardonnay qui était en train d’expliquer à la poire que même si on la coupait en deux, elle serait toujours aussi belle.

- Chacun de nous doit prendre sur soi. Sinon nous finirons par sucrer les fraises !

- T’as vraiment du bol que ce soit pas la période des fraises ; sinon t’en aurais entendu des vertes et des pas mûres ! me répondit le beurre ramolli du ciboulot.

 

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Image par MJ Jin de Pixabay



06/11/2020
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